Bernard ASCAL : PICASSO, Poèmes & propos, ouvrage illustré, accompagné de 2 CD Edtions EPM – Collection Les mots magiques, 25 €
Picasso, peintre illustre, serait-il un poète méconnu ? - De nombre de ses admirateurs assurément. Il faut saluer l'entreprise de Bernard Ascal, lui-même poète, qui après avoir mis en musique et interprété Cahier d'un retour au pays natal d'Aimé Césaire, les poètes de la négritude, chez le même éditeur, présente et enregistre Poèmes & propos de Pablo Picasso.
Picasso, ami des poètes, a participé à la première exposition surréaliste de 1925. C'est au cours de l'été 1935, à 54 ans, qu'il se lance dans l'écriture de poèmes, activité qu'il poursuivra jusqu'en 1959. Le peintre ne saurait être enfermé dans un mouvement ou une école tant son œuvre est mouvante, indépendante de tout système, inclassable, et tant il a lui-même innové, impulsé, représenté différents visages de la modernité : du cubisme à la déconstruction abstraite, abondamment controversée en son temps… Au total, il a écrit 350 poèmes (dont 200 en français) nettement marqués par l'imagerie (« le stupéfiant image ») et la poétique surréalistes. André Breton en saisit métaphoriquement la genèse : « Cette poésie, comme s'il n'en existait pas encore, est un théâtre dans une boucle d'oreille ».
Et Brassaï : « Ses dessins sont trempés dans la même encre que son écriture...
Par eux, on puise à la même source.» Si ces poèmes, ludiques et sensoriels, font parfois penser à l'écriture automatique, il faut se garder d'en déduire qu'il s'agit là d'écriture spontanée, voire incontrôlée. Bernard Ascal souligne qu'ils furent plusieurs fois corrigés et remaniés. Cette poésie légère et ludique en apparence sait aussi créer l'émotion. La dernière phrase du poème en prose d'un lyrisme sobre, hommage au communiste grec Beloyannis, supplicié en 1952, frappe l'imagination : « Une immense colombe blanche saupoudre la colère de son deuil sur la terre. »
C'est dans les « propos » que Picasso poète s'affirme en pleine liberté. Il s'y livre avec éclat et lucidité. On l'y retrouve en totalité, avec son inventivité exacerbée, l'évidente clarté de ses aphorismes, sa finesse d'esthète, son humour mordant : « L'art n'a ni présent ni avenir. L'art qui est impuissant de s'affirmer dans le présent ne se réalisera jamais. Ce n'est pas au passé qu'appartiennent l'art grec ou l'art égyptien : ils sont plus vivants aujourd'hui qu'ils ne l'étaient hier. Le changement n'est pas l'évolution. » Picasso manie aussi l'art de la provocation : « A bas le style ! Est-ce que Dieu a un style ! […] Il a même fait ce qui n'existe pas. Moi aussi. Il a même fait la peinture. Moi aussi. » Quand il s'engage politiquement, Picasso réaffirme que la peinture n'est pas faite pour décorer les appartements. Il refuse d'être taxé de propagandiste ne reconnaissant qu'au seul Guernica d'être une œuvre partisane à connotation allégorique : « Mon Guernica est la seule toile qui soit symbolique […] Il y a là un appel voulu au peuple, un sens délibérément propagandiste. » Comme tout artiste, il s'interroge sur sa fonction : « Qu'est-ce que l'art ? Si je le savais, je me garderais de la révéler. Je ne cherche pas, je trouve. » Picasso revendique aussi l'invention du mot « surréaliste » qu'il aurait confié à Apollinaire et que celui-ci a repris à son compte. Mais le peintre lui donnait un autre sens que celui revendiqué ensuite par le mouvement surréaliste : « Ils ont complètement négligé l'important, ils n'ont pas compris ce que j'entendais [ …] quelque chose de plus réel que la réalité. »
Bernard Ascal et Cécile Charbonnel interprètent 25 poèmes dans le CD n°1 mis en musique par Ascal, sur des arrangements musicaux de Jean-Michel Charbonnel. Quant aux réflexions et propos de l'artiste intégralement repris dans le CD n°2, ils sont extraits de divers articles et documents, de conversations rapportées par Hélène Parmelin, Malraux, Brassaï, Claude Roy.
Des transitions musicales judicieusement orchestrées rehaussent la diction parfaite des interprètes. Un ouvrage utile et précieux pour mieux approcher l'artiste majeur, prodige prolifique du XXème siècle.
Bernard Ascal et Cécile Charbonnel (voix)
accompagnés par Nicolas Noël (piano) et Jean-Michel Charbonnel (contrebasse)
présenteront
"Quand je n'ai plus de bleu, je mets du rouge"
Poèmes chantés et réflexions de Pablo Picasso.
Spectacle en coproduction avec la Maison de la Poésie
de Saint-Quentin-en-Yvelyne, labellisé Sélection Printemps des Poètes.
Bernard Ascal et Cécile Charbonnel interpréteront
"Quand je n'ai plus de bleu, je mets du rouge"
Poèmes et réflexions de Pablo Picasso
en compagnie de Nicolas Noël (piano), Yves Morel (trombone), Jean-Michel Charbonnel (contrebasse).
Spectacle en coproduction avec la Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelyne, labellisé Sélection Printemps des Poètes /
Bernard Ascal et Cécile Charbonnel interpréteront
"Quand je n'ai plus de bleu, je mets du rouge"
Poèmes et réflexions de Pablo Picasso
en compagnie de Nicolas Noël (piano), Yves Morel (trombone), Jean-Michel Charbonnel (contrebasse).
Spectacle en coproduction avec la Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelyne, labellisé Sélection Printemps des Poètes.
L'Association pour la recherche et l'étude du surréalisme et moi-même avons grand plaisir à vous donner rendez-vous
J'y présenterai, avec la participation de Christine Piot (sous réserve)
"Pablo Picasso - Poèmes & Propos" (Livre et CD-double. Editions EPM)
Au cours de cette rencontre, nous aborderons les rapports constants de Picasso à la poésie.
J'évoquerai les différentes étapes de mes mises en musique des poèmes.
Quelques extraits musicaux des CDs seront diffusés et je donnerai une lecture publique d'un choix de réflexions de Pablo Picasso.
Un poète nommé Picasso
Peintre, sculpteur, graveur, céramiste, tapissier… Picasso fut tout cela, mais aussi, on l'oublie parfois, poète. S'il a pratiqué cet art tardivement, à partir de 1935, alors qu'il avait déjà 54 ans, il s'y était intéressé depuis son plus jeune âge, d'abord à Barcelone, où il fréquentait les milieux littéraires d'avant-garde, puis à Paris, dès son arrivée dans la capitale française en 1901. Nul doute que sa proximité avec des figures telles que Max Jacob et Guillaume Apollinaire l'a conforté dans son envie de se mettre à l'écriture.
On ne s 'étonne pas que Picasso s'affranchisse des règles de grammaire et de syntaxe comme, dans son œuvre picturale, il a bousculé les codes les mieux établis.
On peut découvrir tout cela et bien plus encore dans un livre étonnant qui réunit le texte, l'image et le son. Bernard Ascal, l'auteur de cet objet culturel non identifié, y propose tout à la fois 25 poèmes de l'artiste franco-espagnol, plus d'une centaine de ses propos et réflexions, des reproductions de toiles, de manuscrits ainsi que des photos. Mais son apport original réside dans les deux CD qui accompagnent le livre. Le premier réunit les 25 poèmes sélectionnés mis en musique par ses soins. Et ce n'est pas tout, car il les interprète lui-même en compagnie de Cécile Charbonnel. Dans le second CD, on trouve une série de réflexions de Picasso sur l'art et la vie. Elles proviennent d'articles rédigés par le peintre ou de conversations avec des proches.
Bernard Ascal n'en est pas à son coup d'essai. Cet artiste iconoclaste a mis en musique nombre de grandes voix de la poésie moderne en langue française, de Benjamin Péret à Aimé Césaire en passant par Abdellatif Laâbi, Philippe Soupault et Léopold Sedar Senghor. Ce dernier ne disait-il pas que « le poème n'est accompli que s'il se fait chant, parole et musique en même temps
Ce fut un travail de longue haleine, le genre de projet qui vous accompagne pendant des mois, voire des années. Car interpréter les poèmes de Picasso n'est pas qu'un défi artistique, lequel cependant suffirait bien, déjà : réunir quelques musiciens parmi les meilleurs, composer puis chanter (en alternance heureuse avec Cécile Charbonnel) sans trahir la poésie parlée ou écrite, entrer dans l'intimité des mots, de leur facétie et leur profondeur secrète, pour tout cela, Bernard Ascal, grand familier des surréalistes et peintre lui-même, en avait les armes. Mais en plus, il a fallu déployer des trésors de diplomatie, obtenir les droits, convaincre les uns et les autres, trouver les financements, bref, produire ce double CD, l'un chanté, constitué des poèmes, le second dit, à partir de divers propos sur l'art, la politique, la vie, glanés ici et là dans les interviews, rapportés dans les biographies etc. Pari largement réussi qui devrait figurer en bonne place dans toutes les discothèques des amateurs du maître.
Nombreux sont les projets qui entourent les quarante ans de la disparition de Picasso. Bernard Ascal et les disques EPM nous proposent un double album de textes choisis. Les voix, chantés sur le premier disque, sont accompagnées d'un ensemble orienté jazz et les prestations de chacun séduisent très vite. On pourra toutefois s'interroger sur la démarche faisant entrer des textes très libres, souvent sans rime ni structure, dans des grilles musicales souvent assez étanches. On aurait peut-être attendu, surtout dans un contexte jazz, un élan surréaliste, une vision moins classique et plus expérimentale. Le résultat est de fait moins élitiste qu'il n'y paraît et séduira les amateurs d'art et/ou de chanson. Le second disque, succulent, propose 119 propos lus et nus de Picasso sur des sujets assez variés, nous faisant découvrir l'artiste de façon plus intime et rendant l'ensemble assez indispensable.
Chanter du Picasso !
« Toutes lignes enlevées du tableau qui représente l'image de cette tête de jeune fille apparaît flottant autour blanc arôme des coups donnés à l'épaule du ciel orgueil blanc fromage coquelicots vin blanc frit tirs aux pigeons du fifre blanc cri jaune des fouets réfléchis par le vol d'une hirondelle sur l'œil du lait mauve ortie cheval ailé… »
Je compte sur les doigts de ma main. Un, il fut peintre ; deux, il fut sculpteur ; trois, graveur et, quatre, céramiste. Reste le cinquième doigt : Pablo Picasso fut aussi poète, le saviez-vous ?
En un quart de siècle, il a même écrit pas loin de 350 poèmes et, pour faire bon poids, quelques oeuvres théâtrales.
Si Bernard Ascal (compositeur, chanteur et directeur de collection chez EPM où il succéda à Marc Robine) ne s'était pas mis en tête de l'interpréter, nous ne le saurions pas vraiment, sauf à tout savoir de l'auteur de Guernica et des Demoiselles d'Avignon, à le connaître sur le bout des doigts…
« Il s'agit de la face la plus méconnue de cet artiste d'une exceptionnelle fécondité. Force est de constater que Picasso n'a pas facilité l'accès à ses poèmes. Faisant fi des règles conventionnelles, il a supprimé la ponctuation, aboli la structure classique des phrases, usé des chevilles linguistiques – prépositions, conjonctions et autres – de manière à brouiller tout possibilité de sens univoque, accumulé et/ou juxtaposé des mots si étrangers les uns aux autres que l'analyse en est rendue difficile » nous instruit Bernard dans une nécessaire préface qui nous aide, un peu, à entrer dans l'inconnu. Ascal poursuit : « Picasso jongle avec les mots, avec tous les mots – ceux du peintre, de la cuisine, de la femme, de l'amour, de l'espace. C'est bien souvent in extremis qu'il les rattrape, le sol n'est plus qu'à quelques centimètres mais le poète est là et les mots rebondissent à nouveau entre ses paumes, les mots jaillissent pour un nouvel envol. »
Pour passer de poème à chanson, il convient que les mots épousent des notes. Bernard Ascal a écrit les partitions, légèrement jazzies. Lui et Cécile Charbonnel assurent l'interprétation.
Loin de n'être qu'une curiosité discographique, le résultat est intéressant, particulier et probant, qu'on écoutera sans doute en feuilletant un livre d'art, sur Pablo Picasso il va de soi. 26 poèmes sont ainsi passés à la rubrique « chanson ».
Dans le même boitier, un second cédé recueille « 126 réflexions de Picasso sur l'art, la création, l'engagement politique et la vie ».
C'est un travail ambitieux et original que livre aujourd'hui Bernard Ascal avec son « Pablo Picasso, Poèmes & Propos » ; beau titre placé sous une photographie de David Douglas Duncan qui a su fixer le mystère du regard du peintre… Si ce dernier est universellement reconnu (qu'il soit loué ou décrié !), l'écrivain reste méconnu. Certes, ses pièces de théâtre sont relativement reconnues, en particulier « Le Désir attrapé par la queue » qui fut réédité, mais ses poèmes n'ont jamais atteint le public que la célébrité de leur auteur aurait pu leur amener… Bernard Ascal a fait un choix parmi les 350 poèmes, tant en espagnol qu'en français, que Picasso a écrits de 1935 à 1959. Il en donne à lire 26 dont de nombreux en fac-similé à partir du manuscrit. L'un, daté du 14 décembre 1935 (Sur le dos de la tranche), est même interprété par le peintre qui rehausse de couleurs et de graphismes noirs chacun des vers : on peut y voir comme une anticipation (au-delà des différences) du travail que fera Picasso sur Le Chant des morts de Pierre Reverdy (Tériade éditeur, 1945). Les autres, simplement reproduits, mettent en évidence les distances que prend Picasso avec l'orthodoxie surréaliste, même si selon Brassaï « les œuvres littéraires de Picasso relèvent de la poésie surréaliste » : ses manuscrits sont raturés, repris, remis sur l'ouvrage ; on est loin du premier jet de l'écriture automatique… À lire ces poèmes, on est surpris de la modernité de Picasso : combinatoire et variations, accumulations, logorrhée à l'image de l'écoulement de la couleur sur la toile… Picasso pense en couleurs, l'art pictural n'est jamais bien loin du texte ; la poésie et la peinture sont inséparables ainsi dans « Portrait de jeune fille » … Mais Bernard Ascal ne s'arrête pas là. Constatant qu'à l'exception de René Leibowitz, les musiciens n'ont guère mis en musique les poèmes de Picasso, il compose sur les poèmes choisis et les enregistre avec Cécile Charbonnel (CD 1) : le pari n'était pas gagné d'avance, l'écriture de Picasso (vers libres ou prose) ne se prête guère à la mise en musique par l'absence de rime et de rythme facilement mémorisable musicalement… Il découpe en vers les textes en prose et publie sa « découpe ». Le résultat est étonnant : il est vrai qu'il a fait appel à Jean-Michel Charbonnel pour les arrangements, l'un des meilleurs musiciens de jazz du moment… Un second CD reprend les propos de Picasso sur son travail, propos qui sont publiés à la suite des poèmes en 13 « chapitres ». Propos parfois déconcertants car ils pointent l'absurdité du parler commun : « … on peut dire qu'un steak est bleu quand on veut dire rouge. C'est ce que j'ai souvent fait quand j'ai essayé d'écrire des poèmes », à rapprocher de « Quand je n'ai plus de bleu, je mets du rouge »… Il y a dans ces propos une liberté qui surprend tant ils sont aujourd'hui politiquement incorrects. Cet ouvrage est une excellente introduction à la démarche de Picasso par le va et vient qu'il impose entre la peinture (quelques reproductions), les poèmes, les propos, la musique (le premier CD), les photographies de D.D. Duncan… Si Picasso a déclaré « Au fond, je crois que je suis un poète qui a mal tourné », le travail de Bernard Ascal prouve que Picasso est un poète. Continuellement.
Le dimanche 9 juin 2013 à 14 h 30, Place Saint-Sulpice à Paris, dans le cadre du Marché de la Poésie, Bernard ASCAL reçoit un "Coup de Coeur 2013" de l'Académie Charles Cros pour son Double-CD et son livre Pablo PICASSO - Poèmes & Propos qui viennent de paraitre aux Editions EPM