EPM 0737352
Ce CD est né de la complicité du chanteur Bernard Ascal* (aussi peintre et poète) et de son fils, le musicien et compositeur Gaël Ascal. Deux univers singuliers qui se croisent le temps de 19 chansons pour créer cet objet décalé, sarcastique, alliant humour noir, gravité, interrogations sur les temps présents.
Accompagné par l’alliage incisif d’un quartet électrique — Fender Rhodes, guitare, basse, batterie — avec un quatuor de cordes acoustiques, ces chansons parlent de la solitude (Aquarium), des dangers du nucléaire (Le Ciel si bleu si calme), de la prolifération de l’espèce humaine (Frères Humains), de l’autocensure ordinaire (Képi), d’une forme imprévue de générosité (Service-Organes-Surveillance)…
D’abord on rit jaune, puis on ne rit plus du tout lorsque les deux Ascal font grincer les mécanismes qui se referment sur nos libertés ou lorsqu’ils agitent les fantasmes de la haine de l’autre.
Distillant le chaud et le froid, les Chansons du Gai Désastre sonnent comme un énergique appel à une plus grande lucidité.
* Auparavant, Bernard Ascal, a principalement interprété sur scène et enregistré chez EPM les poètes Aimé Césaire en 2000, 2008 et 2018 ; Le Corbusier en 2005 ; Pablo Picasso en 2013 ; Pierre Mac Orlan en 2017 et 2018.
L’équipe musicale est constituée de :
Gaël ASCAL : basse, synthétiseurs numériques, contrebasse
William BILMAN : guitares électriques, guitare portugaise
Antonin RAYON : Fender Rhodes, orgue Hammond, synthétiseurs analogiques, piano Loïc ROIGNANT : batterie, udu
Cyprien BUSOLINI, Claudine CHRISTOPHE, Elodie GAUDET, Anne-Catherine TOUIL : violon alto
Enregistrement : Gaël ASCAL sauf les claviers enregistrés par Antonin RAYON Mixage et mastering : Gaël ASCAL avec la collaboration d’Antonin RAYON
Graphisme : Romain MACÉ (à partir de détails issus de peintures réalisées dans les années 1970 par Bernard Ascal)
Nos remerciements vont à Ingrid OBLED, Nicolas DELBART, Bérénice ANDRÉ, Mathieu NENNY ainsi qu'aux photographes Un salut d’amitié et de remerciement aux pianistes Sylvain DURAND, Roger POULY, Robert SUHAS et Vincent LESPAGNOL (disparu en 2016) ; aux saxophonistes Rémi SCIUTO et Philippe DOURNEAU qui, dans les années 1980 et 1990, ont participé à la création sur scène d'un répertoire incluant plusieurs de ces chansons
Le premier album, en tant qu’auteur, de Bernard ASCAL : Quelque part entre blanc et noir, entre rire et larmes, entre la vie et la mort, le registre est vaste mais les bonds du lutin définissent des contrastes audacieux du chaud au froid, du dur au doux. Une huitaine de musiciens nous balladent et nous jazzent accompagnant nos pulsions, forçant nos perceptions dans le détail, présents et discrets tour à tour. Nous nous laissons embobiner par les mélodies, tandis que mots percutent insidieusement.
C’est donc un album rare, échappant aux lois du genre, irrécupérable pour le chou-business qui ne saurait qu’en faire. Seules les oreilles sensibles, les esprits subtils, avides d’oxygène et friands de lucidité sans entraves sauront l’apprécier ; ces derniers humains n’ont-ils pas droit à leur part de bonheur ?
Bombe poétique
Désastre. Le mot fait florès. Pour un artiste comme Bernard Ascal, la meilleure façon de prendre le mot à son compte, c’est de lui donner sa résonance la plus contemporaine et de l’utiliser comme une bombe à caractère poétique. Son nouveau disque, Chansons du Gai Désastre, est la réplique la plus parfaite à notre monde qui accumule les vraies douleurs en accumulant les faux bonheurs. Il y va, Ascal, sabre au clair! Sans prudence! L’épine au fusil! Il se moque même de la sacro-sainte devise « Liberté, Egalité, Fraternité », mais il a de l’audace, faisant joyeusement défiler les désespoirs conscients et inconscients qui se sont infiltrés en nous. Depuis ce sentiment de climat de « cauchemar climatisé », qu’Henry Miller prophétisait en 1945, jusqu’à ces massacres en tout genre qu’opèrent les guerriers, les chimistes et tous nos théoriciens d’un bien-être barricadant. L’auteur-compositeur-interprète réplique avec une abondance d’idées, de formules, de trouvailles, de drôleries sombres et de moqueries allègres qui aurait sans doute épaté le Vian de La Java de la bombe atomique. Les textes d’Ascal respirent les médicaments, les désinfectants, une propreté de napalm, les manipulations génétiques tout en nous faisant entrer dans une pensée angoissée qui prend forme à travers des cris et des gags. Les mots sont cocasses et riment au meilleur rythme. Les refrains sont des complaintes pour aujourd’hui. La chanson Ca dépend est un éblouissement autour des idées de hasard et des notions d’à moitié plein et d’à moitié vide. La chanson est longue mais Ascal pourrait lui ajouter de nombreux couplets, tant il y a là la balance de nos vies, de ce que nous sommes et de ce qu’on essaie de faire de nous! Les arrangements et les sons de Gaël Ascal attisent ce feu verbal et vocal. Les atomisés de l’ère atomique ont trouvé leur poète vengeur : Bernard Ascal.
Bernard Ascal : enthousiaste, exubérant, terrible, oh terrible !
Bernard Ascal est un artiste en grand bouillonnement, en perpétuelle récidive. C’est un Géo Trouvetou dans presque tout ce qui relève de l’art, aussi enthousiaste qu’exubérant. Les amateurs de chanson n’avaient vraiment retenu de lui que son formidable travail de marieur de poésies et de musiques, unissant la crème de la poésie à ses notes, à son timbre, dentelé comme il se doit : Aimé Césaire, Abdellatif Laâbi, Pierre Mac Orlan, Philippe Soupault, Joyce Mansour, Léopold Sédar Senghor, Guillaume Apollinaire, Tanella Boni, Raymond Queneau, Benjamin Péret, François Villon, Léon Gontran Damas, Max Jacob, Véronique Tadjo… qui sais-je encore… Ascal fait chanter les rayonnages et affuble de mélodies les reliures de nos bibliothèques ! Avec parfois des surprises de taille tels ces poèmes chantés de Pablo Picasso ou ces textes de Le Corbusier devenus chansons, comme quoi le béton peut se dissoudre dans la fine architecture des mots et des sons. Ce qu’Ascal touche il le transforme. En une matière presque nouvelle. Ne le criez pas sur les toits : Ascal est alchimiste.
Très en vogue ces derniers temps, le « en même temps » s’applique depuis toujours chez lui : il est simultanément peintre, compositeur, musicien, interprète, directeur de collections Et aussi poète, parolier et nouvelliste.
Il y a quelques décennies, il se mit à écrire des nouvelles, alors publiées dans des brochures pas confidentielles mais presque. Qui, ironie du sort, furent ré-éditées en l’an 2020, après ce que l’Histoire tiendra pour la première vague de la Covid19, née, dit-on, des amours coupables d’un pangolin et d’une chauve-souris. C’est L’amateur de billes [et autres nouvelles grinçantes](Rhubarbe éditions) : des histoires absurdes, absconses, un tantinet cruelles, effectivement grinçantes, qui aiment tant tronçonner les corps en huit que couper les tifs en quatre. Des textes d’anticipation, de fiction, de fission, de friction, qui n’auraient d’excuse qu’un total et angoissant confinement pour les écrire. Mais, dites, c’était quatre décennies plus tôt… Le poète a toujours raison : avec sa tignasse d’illuminé, où le sel a définitivement vaincu le poivre, Ascal, ce coquin, ce rascal, a tout d’un singulier et lumineux prophète.
Tant qu’il a récidivé avant le nouveau confinement. Cette fois par des chansons à lui, des inédites d’un quart de siècle comme des nouvelles, les Chansons du Gai Désastre. Comme si un désastre pouvait l’être, gai ! Par lui, si ! Pas désopilant, mais.
Nouvelles et chansons se croisent et se toisent. C’est toujours le « je » qui prédomine, dans une étonnante proximité : Ascal est maître de son jeu, d’un monde le cul par dessus tête, d’une logique incertaine, schizophrène, d’un ordre médicamenté, militarisé.
Il y a du Kafka en Ascal, de l’Orwell (de 1984), du Franquin (des Idées noires) aussi. La posologie est quasi la même dans ses chansons, insolite cocktail d’anesthésiants et d’euphorisants, mots et maux qui, de concert, déambulent dans un monde blafard déchiré de cris d’écorchés vifs. Grinçant et jubilatoire, vous dis-je. Diabolique parfois, si je ne Mabuse.
Bernard Ascal explore là une dimension de la chanson qui n’existe pas, ne saurait exister. Qui certes emprunte pour partie à une chanson « engagée » (nous parler d’angoisse sécuritaire, ce n’est pas rien en ces temps tentés par une répression permanente), mais fait surtout son miel de l’absurde, de la cacophonie, du non sens, de l’irrespect du sens comme du son. Textes et musiques pareillement torturés, façon « expérimentation », sont accompagnés par un quatuor d’altos et par un quartet Fender Rhodes/guitare/basse/batterie à la tête desquels officie Gaël Ascal, à la direction musicale et aux arrangements : bonne hémoglobine ne saurait mentir.
Dans un monde de chansons bien fades, convenues, Ascal est comme un cheveu dans la soupe, surprise bienvenue, que d’aucuns diront jouissive. Il nous laisse à penser que la chanson peut encore cogiter, créer, transformer, être caillou dans la chaussure, poil à gratter, poil au nez. C’est une bonne nouvelle.
Si vous souhaitez vous procurer le CD
EPM, réf : 0737352