EPM – SOCADISC – 987011
L’armistice du 11 novembre 1918 mis fin à la guerre de 1914-1918 sur le terrain mais, bien évidemment, pas dans les corps ni dans les consciences.
Le présent CD est composé de textes issus de l’ouvrage Les Poissons morts regroupant Les Poissons morts, La Fin, Devant la Meuse dans l’édition publiée en 2017 par Liénart / Département de la Seine-et-Marne, et du volume regroupant Propos d’infanterie, Verdun, U-713, Dans les tranchées dans l’édition des Œuvres complètes établie, en 1970, par Gibert Sigaux.
Le 14 septembre 1916, le soldat Pierre Mac Orlan, après avoir été sur le front de Lorraine en 1914, sur celui de l’Artois en 1915, sur celui de Verdun en 1916, est blessé sur le front de la Somme, à Mont-Saint-Quentin, non loin de sa ville natale, Péronne.
À plusieurs reprises, de 1916 à 1939, Mac Orlan va relater ses deux années de fantassin avec cet humour décapant et lucide dont il ne se départit jamais. Il a relaté son expérience de la guerre par deux types d’écrits : des notes prises sur le vif dans les tranchées et des réflexions rédigées quinze ans plus tard. Il porte un éclairage très personnel sur cette période puisqu’à la différence de Barbusse, de Dorgelès, de Genevoix… il consacre peu de pages à la relation des combats. C’est par le sort réservé aux animaux — compagnons dévoués du soldat ou redoutables nuisibles — qu’il aborde « l’enfer » des tranchées, par l’omniprésence de la boue, et par l’évocation de ces « pèlerinages » que ne peuvent s’empêcher d’effectuer, année après année, nombre d’anciens poilus et de veuves sur les lieux des affrontements.
Etonnamment, Pierre Mac Orlan a été absent de presque toutes les anthologies parues ces dernières années pour célébrer le centenaire de la Grande Guerre.
Bernard ASCAL : Direction artistique
diction : 2 – 4 – 5 – 7 – 9 – 11 – 12 – 14 – 15 – 17 – 18 – 19 – 21 – 23 – 25
chant : 6 – 13 – 20
Yves MOREL : Direction musicale
arrangements : 6 – 13 – 20
trombone : 6 – 16 - 22 )
accordina : 3 – 10 – 13 – 20 - 26
Jean-Baptiste GAUDRAY : Guitare
1 – 6 – 8 – 10 – 13 – 16 – 20 – 22 – 24 - 26
Delphine FRANCK : Violoncelle
3 – 6 – 8 – 13 – 20 - 24
Pierre Mac Orlan en direct des tranchées
« Moi mon colon, celle que j’préfère / C’est la guerre de 14-18 » nous chantait malicieusement le maître de Sète. Alors que nous célébrons le centenaire du terme de cette immense boucherie, parmi les innombrables ouvrages sortis des presses ou squattant les petits écrans, retenons de notre côté un CD touchant par sa modestie.
Maître d’œuvre : Bernard Ascal. Artiste prolifique qui n’a de cesse – à côté de ses propres ouvrages – de jouer au passeur de mémoire. Dans Nos Enchanteurs, il fut question il y a quelques mois de son Aimé Césaire – 10 ans déjà, consacré au poète de la négritude. C’est à présent par le biais d’un autre écrivain qu’il tente, à sa manière, de nous faire revivre la réalité de la Grande Guerre.
A l’honneur : Pierre Mac Orlan. Ecrivain à (re)découvrir, il reste essentiellement dans la mémoire des cinéphiles pour être le père du roman Le Quai des brumes, dont le classique de Marcel Carné est l’adaptation. Il est par ailleurs également l’auteur de chansons interprétées jadis par Germaine Montéro, Juliette Gréco Catherine Sauvage ou Monique Morelli. Cet aspect de son art a déjà été abordé par le même Bernard Ascal, qui lui a consacré un CD en 2017, Pâtisseries Mécaniques.
Ici, c’est du romancier-journaliste qu’il sera question. Pierre Mac Orlan fut en effet des nombreux poilus à combattre sur le front. Mobilisé en août 2014, grièvement blessé en septembre 2016 et démobilisé en décembre 2017, l’homme a connu les champs de bataille de la Lorraine, de l’Artois, de Verdun et de la Somme. Il en a tiré matière à plusieurs livres, constitués de notes prises sur le vif ou de réflexions postérieures : Poissons morts (1917), Verdun (1934) et Dans les tranchées (1939).
Le CD de Bernard Ascal s’intitule Ecrits de guerre et comporte 26 plages. Huit courts instrumentaux, trois textes mis en musique dans une forme libre et, formant donc l’essentiel du disque, quinze extraits des trois livres précités, lus par le chanteur-comédien. Faut-il préciser que c’est cette partie-là qui retient notre attention. Des textes lus avec talent et une diction parfaite, sans effets grandiloquents ou fond musical qui viendraient en parasiter l’audition. Des textes qui demandent certes une attention soutenue, que l’on ne saurait apprécier d’une oreille distraite, mais mis en valeur par la voix chaude de l’artiste. Un disque par conséquent à mi-chemin entre le livre-audio et le recueil de chansons.
Mais quels écrits ! Point n’est question ici de prose revancharde ou de considération politique. La voix de Mac Orlan est celle de ces milliers de poilus, transbahutés de leur quotidien vers un univers de désolation, plongés dans un océan d’incompréhension où ne surnagent que des poissons morts. Une seule idée dans la tête de ces hommes de peu : survivre ! Et survivre, ce n’est pas seulement échapper aux balles ennemies lors des attaques, c’est aussi – surtout ? – s’acclimater des conditions précaires dans lesquelles ils se trouvent : la boue qui envahit tout, les rats omniprésents, le danger toujours diffus… Au-delà du témoignage de première main, les écrits de Mac Orlan enchantent l’oreille contemporaine par la distanciation humoristique qu’il y glisse (voir le cocasse discours d’un papa rat à son fils, lui distillant de sages conseils : être copains avec les hommes, se méfier des chiens…), l’empathie pour ces frères malheureux de combat que furent les animaux réquisitionnés (chiens, chevaux, pigeons…), l’humanité de ces soldats à mille lieues de l’image glorieuse er patriotique que le pouvoir d’alors voulait propager…
Bernard Ascal a très justement choisi les extraits en écartant ce qui, un siècle plus tard, semblerait anecdotique ou incompréhensible. Tout ce qui est relaté dans son disque pourrait être transposé dans un autre conflit. La chair à canon a partout le même goût. Triste constat : ces écrits centenaires trouvent encore et toujours des échos dans notre actualité. Et pourtant, ne disait-on pas, entre espoirs et illusions, que 14-18 devait être la der de der ?
Du fond de son sac à malices / Mars va sans doute, à l’occasion / En sortir une, un vrai délice / Qui me fera grosse impression / En attendant je persévère / A dire que ma guerre favorite / Celle, mon colon, que j’voudrais faire / C’est la guerre de 14-18
Si vous souhaitez vous procurer le CD
EPM, litterature poesie et texte, réf : 987011